Des maîtres d'ouvrage citoyens à la recherche de la qualité et la créativité.
La particularité des opérations d’habitat alternatif amène nécessairement les architectes à s’interroger, d’une part, sur la délimitation de leur mission (programmation au sens plus étroit, maîtrise d’œuvre ou conception) et, d’autre part, sur la nature de leur dialogue avec le groupe des habitants. Les partenaires sont beaucoup plus nombreux que dans la production traditionnelle d’habitat et les relations entre eux fort peu formalisées.*
Une nouvelle commande
La commande est ici exprimée par les futurs habitants qui cherchent à réaliser collectivement un cadre de vie à leur image et correspondant à des attentes partagées et individuelles. A ce titre, elle est très éloignée des standards de la production industrielle de logements où les programmes se limitent souvent à un tableau de surfaces et de typologies.
S’associer à de tel projets innovants, représente encore un risque significatif pour les architectes. Ils sont souvent face à un collectif de non-sachants, composé d’une multitude de points de vue, exprimant spontanément leurs demandes.
Comment maîtriser cette situation potentiellement tumultueuse ?
De la découverte du métier au programme
Le programme exprime d’une manière formelle les attentes et besoins du collectif des habitants tant au niveau collectif qu’individuel. Sa rédaction génère des questions naturellement formulées par les habitants : Mais c’est quoi exactement l’architecture ? Comment se construit le passage d’une idée ou d’un besoin vers la forme ? etc.
En réponse, nous proposons une séquence de sensibilisation à l’architecture. Elle permet de découvrir le métier de l'architecte, de se familiariser avec ses termes spécifiqueset elle facilitera la communication avec les concepteurs plus tard.
Pour la suite, l’architecte dispose de toutes les qualités pour animer le processus programmatique. Il commence par une réflexion qualitative sur les fonctions et usages et se termine réellement avec les plans définitifs.
L’imagination des concepteurs peut se déployer avec une très grande liberté tant au niveau méthodologique que dans les formes données au projet.
Le collectif, en tant que « maître d’usage » est intéressé par un projet unique, particulier, extraordinaire. Il sera source d’identité et de fierté. Chacun pourra (se) dire : « Nous avons construit NOTRE immeuble ».
Qui fait quoi ?
L’habitat participatif est un laboratoire où tous inventent une nouvelle façon de faire. Les architectes jouent un rôle central dans la transformation des nouvelles attentes en matière de cadre de vie.
La « Maîtrise d’usage » apporte une nouvelle dimension dans les processus. Elle est au cœur même de l’innovation de l’habitat participatif. L’expérience montre les limites du métier de l’architecte face aux besoins d’un collectif d’habitants.
La réussite du projet dépend aussi de la naissance d’une conscience collective du groupement des habitants. C’est elle qui détermine la capacité du groupe à agir, de prendre des décisions éclairées et de négocier d’une façon raisonnable les modalités de la réalisation de leurs rêves.
Les collectivités en France insistent aujourd’hui sur la présence de structures d’accompagnement spécialisées qui s’occupent des questions de l’action collective, des dynamiques des groupes, des montages juridiques et financiers ainsi que des rapports avec les autres partenaires ou intervenants comme les collectivités, les banques, les notaires, etc.
Elles offrent aux architectes la possibilité d’éviter les nombreuses tâches relevant plutôt de la Maîtrise d’ouvrage pour mieux se concentrer sur leur cœur de métier.
Que disent les instances professionnelles ?
Un intérêt reconnu pour la participation des habitants, acteurs à part entière et « maîtres d’usage ».
Extrait de la note rédigée par l’Ordre des architectes en 2013 à l’attention du Ministre du logement, dans le cadre de la concertation de la loi ALUR :
Enfin l'habitat participatif à lui seul cristallise plusieurs éléments qui recoupent très directement les réflexions et les positions du CNOA de ces dernières années :
- il est producteur d'un habitat souvent individuel mais toujours groupé ; donc économe en ressource, limitant la consommation d'espace naturel et agricole ;
- il implique les habitants dans les prises de décision concernant leur espace de vie ; non plus seulement « écoutés », ils deviennent acteurs à part entière, « maîtres d’usage » ;
- il permet un recours plus aisé à l'architecte du fait de son échelle d'opération et en le mutualisant ; le « collectif » et chaque habitant accédant ainsi « au droit à l'architecture pour tous ».